La fille de Chez Narcisse.

Le Dîner des Bons Ménages, Jean Pellerin, Georges Crès, 1922.

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Jean Pellerin (1885-1921) est un ami de Francis Carco et devient, comme lui, membre de la très informelle « école fantaisiste », groupe de poètes inclassables, qui se réclamaient de Toulet et de Tristan Derème. Il vit à Montmartre dans un appartement meublé d’un lit, une table, trois chaises et des caisses de livres. Pour gagner sa vie, il bâcle des romans sous pseudonyme, rend compte des soirées parisiennes pour divers journaux et rédige le courrier littéraire de L’Homme libre, où pigent aussi Dorgelès et Carco.

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Jean Pellerin par Maurice Asselin, 1920.

Les éditeurs refusent ses poèmes, ironiques et sensibles, qu’admirent pourtant Francis Carco et Tristan Derème et que publient d’éphémères revues littéraires. Après la guerre, il travaille comme rédacteur à La Lanterne. C’est un homme jeune, très maigre, aux yeux fiévreux. Il parle peu et d’une voix sourde. Jean Oberlé écrit : « Il devait mourir peu de temps après. Je crois qu’il avait été gazé à la guerre ou qu’il y avait délabré une santé déjà frêle. (…) Il était fin, délicieux, intelligent. Je ne crois pas que les rédacteurs de La Lanterne aient jamais soupçonné son grand talent . »
Jean Pellerin meurt, des séquelles de la guerre et d’une tuberculose contractée au front, en 1921.

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Georges Crès publie deux longues nouvelles de Pellerin, Le Dîner des Bons Ménages et Miguel L’Aragonais, réunies sous le titre Le Dîner des Bons Ménages.
Huit amis, qui, tous, trompent leur femme, dînent une fois par mois avec leurs épouses respectives au restaurant Chez Narcisse; c’est le club des Bons Ménages. Chas Laborde, autre familier de Carco, donne un dessin étrangement mélancolique. Sabine, la courtisane opiomane, que la drogue a immunisée contre l’amour, attend devant la table mise d’un dîner dont les convives ne viendront pas. Arrivée là par erreur, elle se trouve dans l’état d’esprit « d’une petite fille qui voudrait son jeudi de flânerie ». Jean Pellerin, lui-même, usait de l’opium pour calmer son mal de vivre :

J’ai pleuré par les nuits livides
Et de chaudes nuits m’ont pleuré.
J’ai pleuré sur des hommes vides
A jamais d’un nom préféré.

Outre l’édition ordinaire, on a tiré de ce livre 15 exemplaires sur papier pur fil Lafuma, dont les 7 premiers n’ont pas été mis dans le commerce.