Un début dans l’édition.

Par si, par la, cours d’histoire contemporaine, publié en 1913 par Dorbon-Aîné.

parsiparla_1

Ce recueil de textes du chansonnier Jean-Jam est illustré « par les peintres les plus éminents », c’est à dire les dessinateurs humoristes, parmi lesquels André Foy, Hémard, Marcel Capy, Pierre Falké, Delaw, Gus Boffa (sic), Léandre, Poulbot et Chas Laborde.

 

Chas illustre « Lettre ouverte à Jean Gayser ». Le jeune Autrichien avait tenté de se suicider chez  Edouard de Max (1869-1924). D’origine roumaine, de Max est un comédien hors-normes. Jouant au théâtre Dumas, Shakespeare, Hugo, Jean Lorrain ou Gide, tournant au cinéma pour Abel Gance ou Diamant-Berger, il entre à la Comédie Française en 1913. Passionné de poésie, il soutient les débuts de Jean Cocteau.
Lyrique et excentrique, il ne fait aucun mystère de son homosexualité et arbore des tenues extravagantes.

De Max fit à la presse ce récit du drame « Il y a environ trois mois, le soir de la répétition générale du Procès de Jeanne d’Arc, au théâtre Sarah-Bernhardt, je quittai à l’angle de la rue Tronchet et du boulevard Haussmann quelques camarades qui m’avaient accompagné, jusque-là, quand je fus accosté par un jeune homme coiffé d’une toque de fourrure qui me demanda du feu en allemand. Sans mot dire, j’acquiesçai à son désir et m’apprêtai à continuer mon chemin quand levant vers moi des yeux suppliants, l’inconnu prononça en français ces trois mots : « Froid, faim, étranger ».
Vraiment, il faisait froid, L’heure était tardive, j’étais un peu enclin à la mélancolie, et mon cœur se serra, je fus saisi de pitié et tendis au malheureux une piécette d’or. Immédiatement, le jeune homme se confondit en remerciements, m’assura que je lui sauvais la vie et m’expliqua qu’il s’appelait Jean Gayser, était sujet autrichien, fils d’un directeur des forêts, et qu’il était depuis cinq jours à Paris où il venait apprendre le français.
Que vous dire de plus, le jeune Autrichien s’exprimait de façon élégante, je sentis une grande misère et, entraîné par mon bon cœur, je résolus de lui venir en aide. Je lui laissai mon adresse. Le lendemain, il vint chez moi, je le présentai à quelques amis à qui je racontai l’aventure. (…) Cependant, peu à peu, je remarquai que notre protégé était mélancolique, je l’interrogeai et il me confia qu’il avait quitté son pays à la suite d’une scène violente avec sa famille qui l’empêchait d’épouser une jeune fille qu’il aimait à la folie et que las de souffrir il était décidé à se tuer.
Vainement j’essayai de lui remonter le moral, mais sans succès. De guerre lasse, je mis cette décision sur le compte de la neurasthénie et je n’y pensais plus, quand hier matin je reçus un mot de Gayser me priant d’aller le voir à l’Hippodrome, car, disait-il, il avait absolument besoin de me parler. Ne pouvant me déranger, je lui fis répondre de venir me voir chez moi. Vers deux heures du soir, effectivement, Gayser sonna à la porte de la rue et, sans mot dire, à peine entré dans la cour, il se tira une balle de revolver dans la région du cœur. Vous dire mon émoi lorsque mon concierge vint m’annoncer cette nouvelle est inutile. Je n’y comprenais rien. Avec quelques locataires de la maison, nous transportâmes le désespéré à l’hôpital de la Charité, et voilà tout. A mon avis, je crois que Gayser, qui se trouvais complètement seul à Paris, aura voulu mettre fin à ses jours à la suite de ses chagrins d’amour et qu’ayant trouvé parmi nous un peu de sympathie, il aura voulu mourir près des personnes qui le connaissaient plutôt que de finir seul dans une chambre d’hôtel. En tout cas, c’est l’acte d’un gamin que je déplore d’autant plus que mon nom se trouve mêlé à cette histoire et que la malignité publique ne manquera pas d’y voir autre chose que la vérité que je viens de vous raconter. » (Gil Blas, 25 février 1910).

parsiparla_2

Si Jean-Jam souligne lourdement, en vers de mirliton,  à grand renfort de calembours et d’à-peu près, l’équivoque de la situation du comédien, Chas se contente de montrer de Max au chevet du jeune homme, fatigué et émacié sur son lit d’hôpital. Une infirmière dévisage le comédien, manifestement sous le charme. Aucune moquerie dans ce dessin, qui est, à notre connaissance, le premier travail de Chas publié dans un livre.